chapitres 7
La mort d’Elzéar Goulet — vue par un témoin situé à Saint-Boniface
Elzéar Goulet se rendit au Red Saloon le 13 septembre 1870. Pendant qu’il y était, un résident local le dénonça publiquement comme l’homme qui « avait tué Thomas Scott ». Goulet fut pris en chasse rapidement à l’extérieur du bar. Il tenta de traverser la rivière Rouge à la nage jusqu’à ce qu’une pierre lancée par la foule le frappe à la tête et qu’il se noie.
Entrez par le côté ouest du cimetière Saint-Boniface. Le premier ensemble de lampes sur le troittoire sera à quelques pas. Tenez-vous au milieu du troittoire entre les lampes et faites face à la rivière.
Né le 18 novembre 1836 à Saint-Boniface, Elzéar Goulet était le fils d’Alexis Goulet et de Josephte Siveright. Le nom Goulet était important dans la colonie de la rivière Rouge et un des ancêtres d’Elzéar avait accompagné le sieur de La Vérendrye pendant ses expéditions dans les prairies. Il est probable qu’Elzéar ait accompagné son père Alexis pour plusieurs chasses au bison avant son mariage avec Hélène Jérôme, dit Saint-Matte, à Pembina, où il s’établit et devint citoyen américain. Il commença rapidement à travailler au transport du courrier entre Pembina et la colonie de la rivière Rouge. Il était bien vu et respecté par la population de la rivière Rouge.
À l’automne 1869, Elzéar se joignit à Louis Riel qui dirigeait la résistance des Métis contre la tentative du gouvernement canadien d’assurer sa souveraineté sur les territoires de la Compagnie de la baie d’Hudson (CBH) sans consulter les résidents de la colonie de la rivière Rouge sur les incidences des changements administratifs sur les droits et les avoirs fonciers de ces derniers. Nommé commandant militaire adjoint à l’adjudant général Ambroise D. Lépine, Goulet a été l’un des jurés kirs du procès de Thomas Scott, accusé de trahison contre le gouvernement provisoire. Il a aussi participé à l’exécution de Scott le 4 mars 1870. Bien que le destin de Scott ait eu un effet salutaire sur les autres personnes dans la colonie de la rivière Rouge qui s’opposaient au gouvernement provisoire, son exécution provoqua une vague d’indignation en Ontario. Malgré le règlement négocié des problèmes entre le Canada et la colonie de la rivière Rouge qui se traduisit par la Loi de 1870 sur le Manitoba et par des promesses de bonne volonté et d’amnistie générale émanant du Canada, de nombreux volontaires ontariens membres de l’expédition militaire de Wolseley étaient peu intéressés à une réconciliation. Après l’arrivée de l’expédition le 24 août, Riel a été forcé de s’exiler pendant que les volontaires peu disciplinés cherchaient à se venger en attaquant quiconque était associé à ce qu’ils percevaient être une « rébellion » contre l’autorité impériale. Le 13 septembre 1870, Goulet se rendit au Red Saloon dans ce qui était alors le petit village de Winnipeg malgré les avertissements d’un danger potentiel. Un résident local déclara à certains volontaires ontariens qui n’étaient pas en service qu’Elzéar était l’homme « qui avait tué Thomas Scott » et la chasse débuta! Poursuivi par plusieurs hommes, Goulet fuit en direction de la rivière Rouge le long de ce qu’est aujourd’hui l’avenue Lombard. Alors qu’il tentait de nager pour rejoindre la sécurité relative de Saint-Boniface, ses poursuivants lui lancèrent des pierres jusqu’à ce qu’il soit frappé à la tête par une d’entre elles et qu’il se noie. Même si les coupables ont été identifiés, aucune accusation ne fut portée contre eux par peur de ne pas pouvoir appliquer la loi, car les coupables auraient été soutenus par la force policière en place.
La mort impunie de Goulet n’a été qu’une partie d’une série d’assauts, d’incendies de maisons, de meurtres et de viols qui ont été perpétrés par les vengeurs autoproclamés de Thomas Scott. Le « règne de terreur » qui recouvra la colonie de la rivière Rouge pendant les premières années du Manitoba annonçait ce qui pourrait se produire à l’avenir. Les délais innombrables et la confusion au sujet de l’obtention des titres de propriété des fermes que les Métis occupaient déjà, ainsi que des 1,4 million d’acres qui devaient censément être réservées pour leurs enfants, laissèrent ceux-ci vulnérables à la fraude, à la frustration et aux spéculateurs fonciers sans scrupules. Bon nombre de Métis abandonnèrent leurs revendications et la nouvelle province pour se diriger plus à l’ouest et même aux États-Unis.
Les gens qui avaient peuplé, construit et défendu la colonie de la rivière Rouge pendant des générations ont vu leur droit d’aînesse passer aux mains des nouveaux arrivants dans la province qu’ils avaient créée.
Qu’est-ce qui se passe de l’autre côté de la rivière ? Il y a un groupe de gens rassemblé. Ils ont pas de l’air content… T’entends-tu ça ? |
C’est de l’anglais, je pense. Ben oui, c’est le côté de Winnipeg quand même. |
Qu’est-ce qu’ils disent ? Meurtrier? Oh non. Je pense sont en train de attaquer quelqu’un. |
Pis c’est pas juste des hommes, il y a des femmes là-dedans. Coudonc, mais c’est Elzéar Goulet ! |
Regarde ! Oh non, comment qu’il va se sauver ? |
Pourquoi qu’ils attaquent Elzéar ? C’est des hommes de Wolsley. |
Depuis notre gouvernement provisoire, ils cherchent leur revanche sur toutes les Métis associés à Louis. |
Toutes les Métis ont peur ces jours-ci. Pis Elzéar pis toute la famille Goulet était fidèle à Louis. Cossé qu’il va faire ? |
Ah ! Il saute dans la rivière. S’il peut juste se rendre de ce côté icitte, il va être correcte. |
Viens t’en, Elzéar ! Viens t’en ! Il va le faire ! Non, arrêtez ! Arrêtez de lui lancer des roches ! Viens t’en ! Continue Elzéar ! Viens t’en ! |
Oh, non. Il a reçu une roche sur la tête. Je pense que… |
Ah non ! Il est sous l’eau. Elzéar ! Il va remonter, hein ? Noooon ! Ça peut pas finir comme ça… |
Kousé ke s’pâsse l’ôt kôti d’la rivyerre ? Y lâ bein dju mond ansanb pi l’ava pâ d’l’erre kontan. Lâ-tchu antandju sâ ? |
J’pans si d’l’angla. Bein wè, li su l’kôti d’Winnipeg kan mêm. |
Kousé ki djize ? Tueur ? Oh non. J’pans k’y’attak kekun. Pi spâ jusse di z’omme. Y lâ di famme dan l’group. |
Bein koudon, si Élzéar Goulet. R’gorde, oh non, komantesse ke vâ si sôvi ? |
Pourkwè k’y’attak Elzéar ? Bein wè, si di hommes de Wolsley. Depuis notre gouvernement provisoire y s’r’vanj su toutte li Méchisse k’ita avek Riel. |
Toutte li Méchisse y l’on peur si jour-sitte. Pi Elzéar pi toutte la faméye Goulet l’ita fidel a Louis. Kousé ki vâ ferre ? |
Ah, y sôte dan la rivyerre. Si y peu jusse s’rand s’kôti-sitte, y vâ êt korrek. Vyein-tan, Elzéar ! Vyein-tan ! Y vâ y’arrivi ! |
Non ! Non ! Arrêti ! Non, arrêti di garoshi di rosh ! Ayoye ! Ayoye ! Kontchune Elzéar ! Vyein-tan. |
Ah non. Ya eu enne rosh sua têt. J’pans ke… Non! Non! Yé antsour l’ô. Elzéar! Y va r’monti, ein? Noooon! Sa peu pâ finir kom sâ. |