chapitres 2

Une mère métisse près du fort

Bienvenue, bienvenue ! J’vas m’excuser d’avance. C’est ben occupé icitte à ce temps-ci de l’année.
J’sais pas pourquoi toute semble arriver à même temps. Excusez-moi un moment.
Angélique ! Poigne ton frère pis allez au jardin cueillir le maïs au plus sacrant ; j’suis pas mal sûre qui va mouiller cet après-midi.
Ah, les jeunes d’aujourd’hui. Ils veulent toujours nous donner du fils à retordre. Dans mon temps, on disait
« Oui, Maman. Tout de suite, Maman. » Ben, fallait ben. Y’avait juste nous autres pis Maman.
Papa était engagé de la Compagnie. C’est fou, hein ? Je m’étais décidée que j’allais pas vivre comme ça quand je serais grande.
Pis cossé qui arrive ? J’tombe amoureuse d’un Voyageur, moé itou!
Au moins quand qu’il part, on n’est pas laissées seules, il a plus de familles qui se sont établies dans les alentours à cause du fort.
Le fort achète du maïs, des patates, du poisson, du riz sauvage pi d’la viande fraiche qu’on chasse.
Les crédits qu’ils nous donnent pour ça, on les dépense sur des choses comme des couvertures, des bonnes scies, du thé fort pi du sucre.
Pi, faut pas oublier les chasses au bison ! François ! vas voir nos trappes. On a besoin d’une couple de lapins pour souper.
Je te dis que c’est le temps qu’on aille à chasse d’automne. Nos réserves sont pas mal finies.
Heureusement que mon Jacques est revenu saint et sauf de son premier gros voyage. Il va être capable de faire la chasse.
C’est pas le meilleur tireur, mais il est bon cavalier, mon Jacques. J’aime mieux le voir à cheval que dans un canot.
Bon, cossé qui faut faire pour préparer la chasse ? J’devrais demander à mes voisins Nacoda s’ils ont vu des bisons.
Oh Angélique, oublie pas d’aller chercher le linge sale au fort.
Je sais que j’ai dit qui va mouiller, mais on peut bien les laver pendant qui mouille pis les étendre à sécher une fois que ça arrête.
Crime, j’avais oublié qu’il faut que j’aille faire le ménage au fort.
Bonyenne que je suis fatiguée. Des fois, je regrette pas l’arrivée de l’hiver.
Au moins, je dors un peu pendant cette saison-là, pi on a le temps de se rencontrer.
La récolte c’t’année a été pas mal bonne, on a assez de crédit pour acheter notre thé… tu reviendras au temps des fêtes pi on prendra une tasse ensemble.
Beinv’nu, beinv’nu. Ma m’ixkuzi toutte switte. Si bein okupi a stan-sitte d’l’anni.
Shé pâ pourkwè mé, toutte arrive an mêm tan, on djira. Scuzi-mwé, shré pâ lontan.
Angélique ! Pâgne ton frérre pi alli ramâssi l’blédeinde dan l’jardein, ô plu sakran. Shu pâ mal sartenne k’apra-midji, y vâ mouyi.
Ahh ! li jenne d’ojordjwi. Sa veu toultan no danni d’la mizerre. Dan mon tan, on djiza : « Wè Mâman, Touswitte Mâman. »
Falla bein. Y’ava yeink Mâman pi nouzôt. Pâpa l’ita ein angaji par la Konpagni.
Mé si bêt, hein ? J’ava disidi ke sh’ta pâ pour viv dimêm kan sh’ra grande. Pi kousé k’y’arrive ?
Mwé itou, sh’tonb an amour avek ein Wéyajeur. Mé ô mwein, kan y parre, on li pâ lessi par nouzôt mêm,
a kouze ki lâ an mass pluss di faméye, ke l’ava mouvi alantour dju forre.
Le forre ashette dju blédeinde, di patatte, dju pwèsson, dju ri sâvaj pi d’la vyand frésh kon shass.
Y nô danne di krédji pour sâ, pi on li dipans sur di z’aferre kom di kouvarchur, di bonne si, dju bon ti forre pi dju suk. Pi, fô pâ oubliyi la shass ô boflô !
Franswè, vâ chèki nô trap. Sa lâ bezwein di kuk lyève pour soupi.
Sh’ti dji ki li tan d’alli a shass d’ôtonne. Lâ kizman fini toutte nô risarv. Enne bonne shans ke mon Jacques li r’vnu back an vi d’son premyé grô wéyaj.
Y vâ êt kapab ferre la shass. Spâ lwi ke tchire li myeu mé, li bon su ein sh’fal, mon Jacques. J’emme myeu l’werre a sh’fal ke dan ein kanou.
Si kwè ke fô ferre pour êt pra pour la shass ? Ma dimandi a mi wèzein Nacoda si y l’ava vu di boflô.
Ohh Angélique, oubli pâ d’alli sharshi li leinj sal ô forre. Shé ke ja dji ke va mouyi, mé, sa peu li lavi pandan ksa mouye pi li z’itande pour chessi kan sa vâ arrêti.
Krimme, j’ava oubliyi ki fô k’jaye nitwèyi ô forre.
Bonyenne shu fachigi. Di fwé, sa m’fa ryein ke l’iverre s’an vyein. Ô mwein, j’dorre ein pchi brein pluss s’tan -lâ, pi sa lâ l’tan di swerre.
Pi la rikolt lita pâ pire s’t’anni ; sa lâ assi krédji pour ashti notte ti… Tchu r’vyeindra back pandan li fêt pi sa prandrâ enne tass ansanb.